Épisode 17
Numéro 9 de la collection
« NéO+ », avec un Kelek pas très inspiré à la couverture. Heureusement pour eux, en 1987, il n'y
avait pas de forums Internet pour leur expliquer que c'est un scandale, que mon
petit frère dessine la même en cinq minutes, non mais vous n'avez pas honte,
etc.
En deux mots
Fin des
années 70. Notre héros est un bureaucrate déprimé qui a accepté une mission
pour le compte de l’Agence de l’environnement américaine. Flanqué de son
épouse, il quitte Washington pour les forêts du Maine. Son objectif :
analyser l’impact écologique de l’industrie du papier dans un petit coin de
forêt.
Sur place,
il découvre une situation de quasi-guerre entre bûcherons et Indiens. Des
Blancs ont disparu. Les Indiens les ont-ils tués ? Ils le nient, mais
comment leur faire confiance ?
À moins
qu’une force extérieure ne vienne mettre tout le monde d’accord : les
Indiens ont une prophétie selon laquelle, lorsque la forêt sera en péril, un
monstre nommé Katahdin viendra la défendre.
Pourquoi
c’est bien
C’est la
novelization d’un film apparemment oubliable et oublié de nos jours, écrite par
un scénariste visiblement plus compétent que le réalisateur et les acteurs
(Seltzer a aussi scénarisé le premier volet de La Malédiction, et rien que pour ça, il m’est cher).
Du coup, ça
se lit très vite et très facilement, malgré une traduction qui aurait supporté
un p’tit coup de polish supplémentaire. Les personnages sont bien campés, les
dialogues rapides et dynamiques, les décors posés en quelques mots et les
scènes d’action bien décrites. Bref, on sent la patte d’Hollywood, et ça
marche.
L’axe
central de l’histoire est l’écologie, ce qui devait être avant-gardiste à
l’époque. Certains détails sont toujours d’actualité à l’heure de la
mondialisation, notamment le haut-le-corps du héros lorsqu’il comprend que les
patrons de la papeterie vivent en Géorgie, à des milliers de kilomètres :
ça veut dire qu’ils ne seront pas obligés de vivre avec le résultat de leurs
décisions…
Oh, et ce
n’est pas non plus une histoire simpliste à la Werewolf avec les gentils Indiens proches des esprits contre les
méchants Blancs capitalistes. À choisir entre deux connards, je trouve le
directeur des papeteries plutôt plus sympathique que l’activiste indien.
(En
revanche, c’est une histoire de racisme, où l’on découvre que finalement, il y
a bien pire que d’être Noir aux États-Unis. Être Indien, par exemple.)
Pourquoi
c’est lovecraftien
Ça ne l’est
pas.
Vous aurez
beau scruter le texte avec une loupe, vous n’y trouverez pas le moindre « indicible »,
et même en passant tout ça au tamis, pas une miette d’horreur cosmique à se
mettre sous la dent. Et c’est très bien comme ça : à toujours consommer
les mêmes plats, on se gâte le palais.
Pourquoi
c’est appeldecthulhien
Déjà, le
héros conduit une enquête. C’est idiot, mais du coup, il crapahute dans la
nature, s’arrête interroger les gens, fait des prélèvements, les analyse… bref,
il se conduit tout du long comme un investigateur.
Ensuite et
surtout, Prophétie peut se lire comme
un cours sur le fantastique.
Quelque
chose dans la forêt fait du carpaccio de bûcheron, et son origine ne tarde pas
à être clairement comprise : un animal mutant, produit d’un accident industriel.
Ah bon, tout va bien, Prophétie
rentre dans le moule du fantastique expliqué, voire du simple thriller.
Sauf que…
quelle est la probabilité pour qu’un accident industriel fasse naître un
monstre qui ressemble beaucoup, mais alors vraiment beaucoup, au Katahdin annoncé
par la prophétie indienne ? Et alors que la créature ne se comporte pas du
tout comme le laissait entendre la prophétie, les conséquences de ses actes
seront celles qui étaient prévues. Ah d’accord. Donc, nous sommes bien dans du
fantastique.
Sauf que
non, parce que cette deuxième couche n’invalide pas la première. Et vice versa.
Les deux lectures restent possibles jusqu’à la fin. Certains éléments tirent
dans un sens ou dans l’autre, mais c’est à vous de vous débrouiller avec ça,
chers lecteurs. Prophétie évite de
trancher et a bien raison.
Bref, tout
cela est plein de l’ambiguïté qui manque à pratiquement tous les scénarios pour
L’Appel de Cthulhu, où les
explications vont toujours dans le même sens, celui de la prophétie indienne
(ou pire, du méchant chaman indien qui relâche le monstre ou, pour les plus « subtils »,
du vil directeur des papeteries qui relâche un monstre pour faire dégager les
pauvres Indiens).
Bilan
Il ne faut
pas demander à Prophétie plus qu’il
ne peut donner : ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais c’est un roman
efficace sur des thématiques toujours actuelles. Il se transpose sans mal en
scénario, et repose sur un principe d’incertitude qu’il serait sain d’employer
en jeu, de temps en temps.
(Ainsi se termine la série des billets déjà publiés sur Casus NO. Les prochains seront des inédits.)
(Ainsi se termine la série des billets déjà publiés sur Casus NO. Les prochains seront des inédits.)
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