Sept pas vers Satan, d’Abraham Merritt (1927)



Épisode 18


Numéro 1 de la collection SF / Fantastique / Aventure, 1979.






En deux mots

À ma gauche, James Kirkham, archéologue baroudeur qui rentre tout juste d’une aventure en Chine. Dans l’espoir de profiter d’un repos bien mérité, il se pose quelques jours au club des Explorateurs, à New York.

À ma droite, Satan, un géant charismatique aux yeux bleus étincelants, qui collectionne… un peu tout, des œuvres d’art aux âmes, et qui s’est mis en tête de récupérer celle de Kirkham.

Assez vite, entre eux, une femme.

Le match durera 235 pages, et il n’y aura qu’un survivant.


Pourquoi c’est bien

Bizarrement, je gardais un souvenir mitigé de ma première lecture, dans les années 80. Cette fois, j’en sors plus que séduit.

C’est du pulp, mais du grand pulp, bien écrit, avec un méchant spectaculaire et presque sympathique ; un héros bien droit dans ses bottes ; une brassée de personnages secondaires pittoresques, dont un cockney pur jus qui a dû donner beaucoup de mal au traducteur ; des plans diaboliques qui marchent comme sur des roulettes jusqu’à ce qu’ils déraillent… et beaucoup d’explosions, à la fin. Elles font partie de la recette.

Disons-le, Kirkham se fait vite voler la vedette par son adversaire. Satan garde la Joconde dans son musée privé, dispense une drogue qui détruit l’âme, manipule d’importants personnages sur tous les continents et terrifie son monde sans jamais cesser d’être courtois…

Bref, il joue dans la même cour que le Docteur Fu Manchu, avec une touche d’ambiguïté surnaturelle en prime – est-ce vraiment un homme, ou juste un vaisseau de chair dans lequel s’incarne un authentique démon ?

Et puis, il y a les « sept pas » du titre, le mécanisme par lequel Satan gagne ses âmes. Mysticisme, hasard et technologie se marient pour donner un outil impressionnant, qui devient vite le point focal du roman, et dont je ne parlerai pas plus pour ne rien déflorer.


Pourquoi c’est lovecraftien

Sept pas vers Satan n’est pas lovecraftien pour deux ronds.

Si vous avez besoin d’une référence, « Indiana Jones contre Fantômas » fera l’affaire. Ou mieux, l’intrigue archétypale de tous les James Bond depuis quarante ans, à ceci près que cette fois, le méchant prend l’initiative, alors que d’habitude, c’est Bond qui vient l’asticoter dans son repaire.


Qu’en pensait Lovecraft ?

À première vue, un gouffre sépare Lovecraft, l’esthète de Providence, et Merritt, le journaliste le mieux payé des États-Unis, pour qui l’écriture romanesque était un simple divertissement.

En réalité, les deux hommes évoluaient dans des sphères connexes, se connaissaient un peu, et ont même corédigé quelque chose au début des années 30 – le fameux et illisible Défi de l’Au-delà, une nouvelle dont le début est de Catherine L. Moore, la suite d’Abraham Merritt, la troisième partie de Lovecraft et la fin de Robert Howard.


Pourquoi c’est appeldecthulhien

Des vols inexplicables de pièces archéologiques rares dans des musées ? Un culte d’assassins drogués, prêts à tuer et à mourir pour leur dose ? De hautes personnalités servant secrètement un grand méchant tapi dans un repaire plein de passages secrets ?

Il y a tellement de potentiel là-dedans que quand on secoue le livre, on l’entend clapoter. Certes, tout cela a déjà beaucoup servi, mais c’est l’intérêt de revenir aux textes d’origine : les poncifs y ont l’éclat du neuf, et on comprend pourquoi ils ont « pris » dans l’imaginaire collectif.

Après, c’est vous qui voyez ce que vous voulez en faire.

Coller à ce pauvre Satan l’étiquette « serviteur de Nyarlathotep » n’exige aucun effort, mais c’est beaucoup trop facile. Il serait plus drôle de l’utiliser exactement tel qu’il est, sans aucun rapport avec les Grands Anciens, et faire en sorte qu’il décide d’ajouter l’âme des investigateurs à leur collection à cause de leurs exploits.

Que répondront des investigateurs las de lutter contre des moulins à vents si Satan leur déclare « je connais votre lutte, et je mets des ressources illimitées à votre disposition… en échange d’un petit quelque chose » ?


Bilan

Je proclame depuis des années que je suis allergique au pulp.

Entre nous, c’est surtout parce que le pulp a été confisqué par un tas de chimpanzés analphabètes qui y voient un moyen de fourguer au public des merdes illogiques, sans intrigues et sans personnages.

En réalité, je reste client, et plus que client, pour ce genre de pulp. Et je vais de ce pas (vers Satan) me pencher sur le reste de l’œuvre de Merritt.


Commentaires

  1. J'ai lu 3 fois ce roman (dans l'antique collection OPTA) et et à chaque fois j'y ai pris le même plaisir, pour moi c'est un véritable chef d'oeuvre. Je suis content de voir enfin sa critique.

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