Pour en finir avec 2024 - et 20 ans de blog

Les 20 ans de ce blog (car oui, le premier article posté ici date de décembre 2004) sont l'occasion de renouer avec une vieille tradition oubliée depuis longtemps, celle du bilan annuel. Comme j'ai lancé l'idée auprès de mes comparses, j'ouvre le bal.

En série

L'avis de Philippe : Severance

Je regarde peu de séries, et même de moins en moins. Mon trio de tête restent les indémodables The Wire, Breaking Bad et Sopranos, avec une mention honorable pour la première saison de True Detective et celles de Mindhunter (mince, que des séries policières... qu'est-ce que ça dit de moi ?). Et à part ça... Rares sont les séries dans lesquelles j'arrive à aller plus loin que le premier épisode, et pour la plupart je décroche à même pas la moitié, en constatant dès l'exposé de clichés éculés à propos des protagonistes que la série nous apportera plus de nostalgie régressive que de surprises. Une a fait exception, et bien qu'elle ne soit pas sortie en 2024, l'approche de la 2nde saison début 2025 la rend d'actualité. (Note de Philippe : demain !)
Severance, diffusée sur Apple TV+, est une sorte de Brazil sans fantaisie en vert-de-gris, une fiction sur la vie de bureau dans une corporation anonyme. Rien de bien emballant sur le papier, si ce n'était le pitch : tous les employés de cette société ont accepté de subir une opération qui sépare en deux leur personnalité. En arrivant au bureau, ils oublient tout de leur vie personnelle. Et quand ils le quittent le soir, c'est leur vie de bureau qui s'efface, jusqu'au lendemain matin. Leur moi perso ne sait donc pas ce que fait leur moi pro, ce qui, outre une belle métaphore sur le supposé équilibre vie perso / vie pro, nous offre l'opportunité de suivre chaque personnage en double. Bien évidemment, cette opération sert un besoin de secret qui dissimule un mystère que la série va, en prenant son temps, peu à peu dévoiler.
Tout se conjugue pour faire de Severance un superbe objet de télévision : le scénario soigné, les décors recherchés, la photo, et surtout le jeu des acteurs.

L'avis de Benoit : Midnight Diner

J'ai pas mal hésité, mais en faisant un petit bilan de l'année, la série qui m'a le plus marqué, principalement parce qu'une nouvelle saison est venue relancer la franchise que je pensais terminée, c'est Midnight Diner (La Cantine de Minuit). Série adaptée du manga éponyme, elle tient mieux la durée, je pense, tout en restant à contre courant de ce qui fait la narration sérielle moderne: pas d'arcs narratifs longs, une thématique resserrée, une quasi unité de lieu... Et pourtant, qu'est-ce que cette série m'enchante, encore et encore ! C'est en japonais, c'est à Tokyo, et c'est centré sur un petit boui-boui au coeur de Shinjuku ouvert de minuit à 6 heures du matin. Un seul employé et patron, des piliers de comptoir et des habitués, et des histoires courtes, un brin naïves, qui explorent sans en avoir l'air cette intersection entre nourriture, culture et émotion. Un petit bijou télévisuel, facile à appréhender, dépaysement garanti. 

Et s'il faut un accessit, ce sera Kaos, plus dans les cordes de ce blog, mais comme il n'y aura pas de S2, il n'accède pas à la plus haute marche du podium. 

L'avis de Cédric : Slow Horses

J'ai des goûts simples : montrez-moi Garry Oldman en train de péter, d'envoyer chier ses subalternes et de manigancer dans ce panier de crabes que sont les services secrets britanniques, et je suis le plus heureux des hommes. Alors oui, la série est mécaniquement devenue un peu routinière maintenant qu'elle en est à sa quatrième saison, mais c'est tout de même un véritable plaisir de retrouver tout le personnel de la Slought House chaque année. Ils sont nuls, ils sont crétins mais ils sauvent malgré tout la journée en faisant chier la patronne du MI-5 superbement incarné par Christine Scott-Thomas.

L'avis de Tristan : Rings of Power

Oui, j’ai conscience des limitations des showrunners. Oui, je sais que leur fidélité à Tolkien est très relative. Oui, je sais que ci, que ça, que Galadriel, que Tom Bombadil, que que que… et que si on liste tous les griefs, on sera encore là au début du Quatrième Âge.

Mais au fond, on s’en fout. J’aime bien en prendre plein les mirettes, et plein les oreilles avec la musique de Bear McCreary. (Note de Philippe : il manque Gary Oldman en train de péter). Donc, je suis client.

C’est parfois convenu, parfois pas du tout… et surtout, la deuxième partie de la saison 2 donne l’impression de trouver ses marques dans les marges du Très Saint Canon tolkienien. Il reste au moins une saison 3 à venir, on verra où elle nous emmène. Oh, on sait où on va ! « Que va-t-il arriver à Nùmenor ? » et « qu’est-ce que Sauron va faire des neuf anneaux forgés pour les hommes ? » ne sont pas exactement des ingrédients d’un suspense brûlant. Reste à voir comment on va y aller.


L'avis de Slawick : Arcane

Je sais, Arcane, adaptation du jeu vidéo League of Legends, n'est pas vraiment une série de 2024, puisque c'est plutôt l'année de sortie de sa saison 2, saison à laquelle je ne suis pas encore arrivée. Mais ça va venir vite. Ce sont mes filles qui m'ont fait découvrir, et c'est cette série animée (mais format long, épisode de 40-45 minutes) est époustouflante. Design affirmé, animation au top, et une réalisation particulièrement soignée qui embrasse à la fois la ville de Piltover dans sa décadente splendeur et l'action dans son dynamisme le plus esseulé - tout en restant d'une lisibilité exemplaire. Rajoutez des personnages très bien écrit, un écheveau d'intrigues steam punk politiques et voilà, je suis hypé.


L'avis d'Un Lecteur : Polar Park

Affiche de la série Polar Park, deux hommes dans la neige avec du ruban jaune de police enroulé sur eux, présence du logo ARTEARTE nous donne ici une série policière rurale mais située en France, plus précisément à Mouthe (où qu'y fait froid). La série est bien fichue, avec des personnages attachants et un JP Rouve en grande forme. J'aurais beaucoup apprécié de base mais le fait que ça ait été tourné dans des lieux que je connais très bien, dans les environs de Morteau, fait que j'ai binge watché la totalité avec un immense plaisir. Je suis sûr que Cédric a/va aimé/er. Une saison 2 a été évoquée, mais rien de sûr pour l'instant.


En film

L'avis de Philippe : le Comte de Monte-Cristo

Fan de Dumas durant mon adolescence, et en particulier du comte de Monte Cristo, j'étais dubitatif quant à cette adaptation. Je n'avais pas vu celle des Trois Mousquetaires et j'étais résigné à l'idée qu'aucun film adaptant un Dumas ne puisse en retranscrire la richesse des personnages, des intrigues secondaires, des rebondissements. J'ai trouvé en fait dans la version avec Pierre Niney le plaisir d'un cinéma de genre, populaire et soigné, et une adaptation intelligente, qui a su garder ce qui faisait l'essence du roman en le raccourcissant pour qu'il ne dure "que" 3h à l'écran.

L'avis de Benoit : Un p'tit truc en plus

C'est pas très original de lister le film le plus vu en France en 2024, mais j'ai trouvé l'équilibre presque surnaturel de ce film qui a tout de la grosse comédie qu'on a un peu honte d'apprécier... sauf que presque tous les personnages (et les acteurs) sont des gens à part, qu'à une autre époque on aurait appelé "handicapés mentaux". Artus à l'intelligence de rire avec eux, et non pas d'eux, et d'emporter le public avec lui. Magnifique moment partagé avec ma fille, ce qui ajoute une cerise sur le gâteau. 

L'avis de Cédric : Conclave

L'immense Ralph Fiennes incarne le doyen de la curie alors que le pape vient de rendre l'âme. Ce bon vieux cardinal Lawrence va donc devoir organiser un conclave pour élire un nouveau souverain pontife. Le film est donc un huis-clos au Vatican où l'on va suivre les grenouillages des cardinaux qui pensent avoir ce qu'il faut pour diriger l'Église. Les tenues sont magnifiques, les décors sont superbes, ça tchatche en italien, c'est vraiment un film qui a du style. Le final cherche malheureusement un peu trop à choquer le bourgeois, mais c'est vraiment une plongée très agréable dans la politique du Saint Siège.

L'avis de Slawick : Dune deuxième partie

L'univers de Dune fait partie de ma culture depuis très longtemps et ma découverte de l'adaptation de Lynch. On ne peut pas dire que le film ait très bien vieilli, pas plus que la série T.V. du début des années 2000. Et puis le diptyque (qui devrait finir en triptyque, on croise les doigts) s'impose là. Outre sa réussite formelle (les décors sont sublimes, le score et la réalisation épouse leur sujet, l'incroyable séquence sur Giedi Prime), le scénario met intelligemment en exergue les concepts de héros et de prophéties autoréalisatrices curieusement oubliés des précédentes adaptations et pourtant au coeur de romans de Herbert. Même si Villeneuve envisage toujours un troisième film "un jour", les deux premiers films constituent un diptyque auto-suffisant qui va jusqu'à la chute de l'empereur (le premier roman donc).


L'avis de Steve : Mad Fate et City of Darkness

Belle audace du distributeur français : nous avons eu droit en 2024 à la sortie de deux films du réalisateur hongkongais Soi Cheang. Comme son Limbo sorti en 2023, Mad Fate et City of Darkness filment Hong Kong avec un regard singulier.

City of Darkness est des deux le film le plus simple à conseiller : il s'agit d'un film d'action spectaculaire qui se déroule au début des années 90 dans la Citadelle de Kowloon, une tour bidonville réunissant 50 000 habitants dans 15 étages avant d'être démolie en 1993. Outre ses affrontements, le film déploie un récit tragique sur plusieurs époques et va s'attarder sur la vie quotidienne au sein de l'immeuble en nous faisant aimer ses personnages.

Dans Mad Fate, la ville est filmée de nuit comme un décor quasi-surnaturel. On y suit un adepte du feng shui superstitieux qui va chercher à empêcher la destinée d'un homme dont il pressent qu'il va devenir serial-killer. L'intrigue, parfois déstabilisante, balance entre la comédie très noire et le film d'horreur comme dans un scénario d'Unknown Armies préparé par un MJ un peu plus inventif (et fou) que vous.

En jeu vidéo

L'avis de Philippe : Firewatch

Encore moins d'actualité que mes autres choix, ma découverte de l'année est un vieux jeu qualifié de "walking simulator". Vous êtes Henry, un quadra qui cherche à oublier l'alzheimer de sa femme en prenant un job d'été dans un parc du Colorado.

Je m'attendais à sillonner en tous sens un environnement dépaysant, une expérience quasi zen où on arpenterait les forêts du Colorado en écoutant le chant des oiseaux et le vent dans les branches. 

En fait, j'ai vécu un storygame assez dirigiste centré autour du développement de la relation via la radio entre Henry et sa responsable, la fantasque Delilah, basée dans la tour de guet voisine. Ce qui aurait pu être assez répétitif a en fait été une belle expérience grâce à trois facteurs principaux : la qualité de l'écriture des dialogues et du scénario, très adulte, tout en nuances; celle du "voice acting", bluffant, qui parvient à donner aux protagonistes une véritable personnalité, riche et profonde; et celle des décors, un peu cartoon, qui créent une atmosphère hors du temps.

Finalement, bien que ce n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais, cela a été une plaisante ballade dans le Colorado le temps d'un long week-end, l'occasion d'une réflexion un peu "meta" sur ce qu'était l'évasion, avant une fin douce-amère dont je ne chercherai pas à savoir si elle est l'un des embranchements du jeu ou le résultat d'un railroading bien dissimulé.

L'avis de Benoit : Balatro

Les jeux vidéos pour moi et depuis quelques années se résument à des trucs qui ne font pas mal à la tête sur ma tablette, pour passer quelques minutes à faire autre chose que lire ou vivre le reste de ma vie. Le petit truc intelligent et addictif de cette fin 2024 pour moi c'est Balatro, un jeu de poker dans lequel différentes capacités qui peuvent être acquises au fil d'une partie peuvent modifier les règles, les points, etc. Un peu le Tempête sur l'Echiquier du Poker en moins déjanté. C'est addictif, mais avec le gros avantage qu'une partie peut-être interrompue et en tout état de cause est au pire conclue en 30mn. 

L'avis de Cédric : Path of Exile 2

Balatro a également été le jeu le plus joué cette année à la maison, mais 2024 se termine sur une longue pratique de Path of Exile 2, un Diablo-like où l'on massacre des monstres par paquet de douze avant de se faire défoncer par un boss. C'est le genre de jeu que j'adore car je peux m'y défouler tout en écoutant un podcast. J'avais déjà passé pas mal d'heures sur le premier PoE, qui est gratuit, aussi j'ai volontairement payé pour avoir accès à l'early access de PoE2 car je tenais à rétribuer le studio derrière ce travail titanesque. Les décors sont magnifiques, l'arbre des compétences est vertigineux, on peut tirer des boules de feu dans tous les sens... Si vous aimez farmer pour droper du loot, c'est vraiment ce qui se fait de mieux dans le genre. Mais ça reste un jeu en développement, donc attendez-vous à de rares bugs et à du contenu manquant. Et si vous êtes patients, le jeu sera gratuit à sa sortie (et on peut vraiment y jouer sans dépenser un centime, les achats sont purement cosmétiques ou de confort).

L'avis de Steve : Tactical Breach Wizards


J'aime généralement trouver dans ma fantasy un univers exotique, étrange et déstabilisant ainsi que des personnages qui n'ont pas notre culture, nos préoccupations et nos façons de parler. Je ne devrais pas aimer Tactical Breach Wizards qui utilise les archétypes de Donjons et Dragons pour parodier notre univers, nous faire combattre dans des postes de police et des navires cargos en lâchant des vannes sur notre monde du travail.

Pourtant j'adore l'écriture de Tactical Breach Wizards qui ne se prend pas au sérieux mais dont les personnages sont des losers immédiatement attachants et qui est un des jeux les plus drôles de l'année. J'adore aussi ses combats au tour par tour qui donnent aux PJs des pouvoirs surprenants (mention spéciale à la soigneuse du groupe qui doit tuer ses patients avant de les réanimer) mais qui permettent des combos qui nous font toujours nous sentir incroyablement astucieux (comme quand on gagne à Balatro - qui est ici aussi un des jeux les plus joués en 2024 - mais je digresse).

L'avis de Tristan : World of Warcraft – The War Within

Décembre 2024 n’a pas marqué que le 20e anniversaire de ce blog. C’était aussi le 20e anniversaire de mon entrée à Blizzard (grâce à Pierre Rosenthal qui était déjà dans la place. Merci Pierre !)

J’y ai passé huit ans très intenses, dont je suis sorti complètement rincé, après avoir piloté la refonte de la traduction française du jeu de base et la version des trois premières extensions. Mon histoire professionnelle avec WoW ne s’est pas arrêtée là, j’ai repiqué au truc comme free-lance, puis au sein d’une agence de trad, mais ça n’a jamais été que professionnel. 


Je joue toujours régulièrement le chasseur nain que j’ai créé à l’ouverture des royaumes européens, ainsi qu’un paquet d’autres personnages, et je prends toujours autant de plaisir à me balader en Azeroth – en fait, encore plus maintenant que je ne joue plus avec un carnet à côté de moi pour relever les coquilles à corriger. Je ne sais pas combien de temps ça durera encore, mais me connaissant, il y a des chances que je sois encore là le jour où Blizzard débranchera ses derniers serveurs.

En livre

L'avis de Philippe : la Convivialité

En 2023, je ne connaissais pas Ivan Illich. Fin 2024, j'ai ses oeuvres complètes dans sa bibliothèque. J'ai hésité avec Jacques Ellul, autre rencontre de l'année, autre preuve de mon décalage complet avec l'actualité. L'un comme l'autre ont été des penseurs critiques de la société industrielle et des précurseurs de l'économie politique. Mais le jeu du bilan, c'est de n'en choisir qu'un.

Illich, prêtre iconoclaste et intellectuel engagé, développe dans la Convivialité - un terme emprunté à Brillat-Savarin - la critique de la société industrielle qu'il avait commencé dans ses ouvrages pamphlétaires sur les transports, l'éducation et la santé. 

Dénonçant la servitude née du culte de l'efficacité et de la croissance, il oppose à la "menace d’une apocalypse technocratique" la "vision d’une société conviviale". Un essai court et puissant, qui a le mérite d'ouvrir des perspectives bienvenues aux derniers jours d'une année sinistrée.
« J’appelle conviviale une société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil. »

L'avis de Benoit : la série Wayfarers (Les Voyageurs) de Becky Chambers

Découverte fin 2023, j'ai pris mon temps pour me délecter de cette SF qui, si elle reprend nombre de codes classiques du genre parvient à en renouveler le ton à travers une vision universaliste et optimiste de notre avenir dans les étoiles. C'est feelgood sans être niais, c'est social et humaniste sans être (forcément) humano-centré, c'est intelligent et bien écrit. Bref, c'est très très bon, et les quatre tomes qui existent seront a priori les seuls, donc pas de risques de s'embarquer dans une saga au long cours. Que du bon. 

L'avis de Cédric : La Fabrique des lendemains

Ce livre de Rich Larson est un recueil de SF qui a fait malheureusement l'actualité pour de mauvaises raisons : l'éditeur français avait initialement utilisé une couverture générée par IA. Elle a heureusement demandé à un artiste d'en refaire une vraie, et je dois avouer que je la trouve la nouvelle très générique elle aussi. Mais ne vous arrêtez pas à cette couverture : les 28 nouvelles qui constituent ce recueil sont d'une très grande qualité. Il y a une forte identité africaine dans ces textes (l'auteur est né au Niger, même s'il vit à Montréal en ce moment) qui explorent différents thèmes du cyberpunk. C'est pas juste de la SF bien pensée, c'est aussi de la littérature bien écrite. Ma nouvelle favorite concerne un trouple de pieuvres dont le monde est sur le point de basculer. C'est varié, c'est inventif, il y a des tonnes d'idées à repomper pour du Mothership. Bref, la réputation de Rich Larson est entièrement méritée.

L'avis de Tristan : Les Annale de la Compagnie noire

Je sais, ce n’est pas un produit de l’année, mais j’ai repris le cycle en partant de zéro au printemps dernier, et j’en ai profité pour lire la fin, que j’avais ratée à l’époque de sa sortie. Dans la foulée, j’ai embrayé sur les bouts qui n’ont jamais été traduits en français (soit un roman et quelques nouvelles, tous anecdotiques).

Mon impression d’ensemble n’a pas bougé d’un iota : les trois premiers romans sont franchement géniaux. Les huit ou neuf suivants sont moins indispensables, mais on s’attache aux personnages et on a vite envie de les suivre jusqu’au bout de leur route… L’ensemble représente entre quatre et cinq mille pages de fantasy noire de chez noire, avec tout ce qu’il faut de politique, de trahisons et de magie qui fait peur. Et j’ai toujours dit que c’était mieux que Games of Thrones, notamment parce que c’est fini, comme dans f-i-n-i. Bref, mettez-vous-y, vous aurez de quoi attendre le jeu de rôle dans cet univers, annoncé en mars 2024 par Pagan Publishing.


L'avis de Steve : La Peur au milieu d'un vaste champ de Mustafa Taj Aldeen Almosa


Comme d'autres ici (Note de Philippe : je ne vois pas de qui tu veux parler), je triche avec les dates de publications, n'ayant lu aucun ouvrage de fiction publié en 2024. La Peur au milieu d'un vaste au champ est une sélection de nouvelles fantastiques, publiées après/pendant la révolution syrienne par un auteur originaire d'Idlib en Syrie.


La chute d'Assad en décembre dernier - qui m'a donné envie d'en relire certaines - les rend peut-être anachroniques (tant mieux si c'est le cas) : ce qui ressort à la lecture des ces textes c'est l'omniprésence de la mort qui fait partie du quotidien des personnages et des narrateurs. Une mort qui apparait souvent via des figures de fantômes qui ne semblent surprendre personnes dans un pays détruit par la guerre et la répression.


L'avis d'Un Lecteur : Histoires de Moine et de Robot, de Becky Chambers, 2 volumes

Couvertures des deux livres évoqués à savoir Un Psaume Pour Les Recyclés Sauvages et Une Prière Pour Les Cimes Timides, de B. Chambers éditions Atalante
Ben Felten a déjà évoqué B. Chambers un peu plus haut et avait fait la critique du premier sur ce blog, que j'avais oubliée. J'ai acheté le premier parce que j'ai aimé le titre et, surtout, l'épigraphe. Dès l'épigraphe, j'étais conquis. Ouais, j'ai besoin d'une pause, d'un moment pour souffler.
J'ai dévoré ces deux petits ouvrages comme un homme se mourant de déshydratation arrivant devant une source à l'eau pure le ferait : j'ai plongé la tête dedans et ne l'ai sortie qu'arrivé à la fin, rassasié. 
Un futur optimiste, des personnages attachants dont les activités principales vont être de papoter, se balader et boire du thé. C'est exactement ce dont j'avais besoin. C'est bien écrit, ça se lit d'une traite. Les réflexions philosophiques vont pas vous révolutionner le fri-fri mais si on n'oublie pas que ce sont juste deux personnes qui papotent et partagent leurs points de vue sans être des grands philosophes eux-mêmes, c'est tout simplement très bien. J'ai passé un très bon moment et les ai recommandés à tout mon entourage.

En BD

L'avis de Philippe : la Route

Nous disions dans ce vieux billet le bien que nous avions pensé du roman de Cormac McCarthy. 13 ans après l'avoir lu - et vu le film avec Viggo Mortensen dans la foulée, j'ouvre la BD de Larcenet en me demandant ce qu'elle peut apporter de neuf à ces deux media. Je n'ai pas tourné la page que je suis déjà conquis par la beauté des pages, la richesse des décors en noir et blanc, la puissance d'évocation des silhouettes, des visages aux traits burinés, ravagés par les épreuves. 

L'avis de Benoit: Hirayasumi de Keigo Shinzô

Dans une veine similaire à mon choix de romans, bien que n'ayant rien à voir en termes de genre, Hirayasumi est un manga feelgood dans lequel on suit la vie au quotidien d'un cousin et d'une cousine, jeunes colocataires à Tokyo. Le cousin est optimiste, flemmard mais débrouillard et voit tout du bon côté. La cousine est énergique, stressée, et se pose plein de questions sur la vie. Autour d'eux, toute une galerie de personnages éminemment Japonais. Il n'y a pas de gros enjeux narratifs, c'est plein de bons sentiments sans être trop concon (un peu quand même, mais c'est attendrissant) et c'est une lecture qui fait du bien. Quelque part, ces choix doivent dire quelque chose de ce que j'attends de ce qui me reste de vie sur cette terre. 

L'avis de Steve : Ultimate Spider-Man de Jonathan Hickman

Mon fils écolier a lu les Harry Potter et espère depuis recevoir une lettre de Poudlard lui annonçant qu'il est un sorcier et qu'il va pouvoir effectuer sa prochaine rentrée dans une école magique. C'est de son âge.

En tant que trentenaire, ce qui est de mon âge c'est de lire le premier tome de la dernière version Ultimate de Spider-Man en espérant devenir un super-héros. Dans cette énième univers alternatif, Peter Parker est en couple avec Mary-Jane, a un emploi stable et plutôt épanouissant et est père de deux enfants qu'il adore. Il n'a au début du premier chapitre jamais été mordu par une araignée radioactive, n'a pas laissé mourir son oncle Ben et Harry Osborn est toujours son meilleur ami.

L'intrigue va bien-sûr lui offrir la possibilité d'une reconversion professionnelle dans le domaine de la production de toiles d'araignée, de l'acrobatie en milieu urbain et de la lutte contre le crime. Là où les dernières adaptations cinématographiques offrent un fantasme superhéroïque aux spectateurs adolescents, cette version papier en est un pour le lecteur adulte.

Elle va même un peu plus loin car, si les précédentes adaptations du personnage avaient généralement un goût pour la tragédie (tous les films de Sam Raimi, les deux récents jeux vidéo d'Insomniac Games, la plupart des récits utilisant le personnage de Gwen Stacey...), ici tout se passe pour l'instant très bien pour Peter Parker, sa petite famille, et globalement pour tous les personnages principaux. C'est très agréable mais j'attends quand même que le tome 2 nous amène un minimum de drame.


L'avis de Cédric : Les Élus Eljun

Lors du salon du livre de Rimouski, je suis rentré d'un party de cuisine dans la voiture de deux autres fêtards. Jase, jase, parle, parle, je leur demande ce qu'ils écrivent et ils me répondent qu'ils sont mangakas et que leur série en cours est un shonen inspiré de la mythologie nordique. Je suis donc passé à leur stand le lendemain pour acheter les trois tomes (qui forme un arc narratif en soi) dans lesquels, oh surprise, un humble berger amnésique se révèle être un héros aux pouvoirs incroyables qui va devoir lutter contre une terrible adversaire qui tue les êtres d'exception comme lui. Je ne suis habituellement pas le lecteur-type de ce genre de manga, mais j'ai adoré Les Élus Eljun, qui dégouline d'amour pour le manga. C'est vraiment bien dessiné, l'histoire passe par toutes les étapes attendues de ce genre de récit initiatique, c'est d'une redoutable efficacité. Et donc oui, il existe des mangakas québécois.
 
L'avis de Slawick : 1629
 
1629, c'est l'histoire vraie d'un navire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales qui portent à son bord à la fois un immense trésor et parmi les plus désespérés des marins des Pays-Bas. Bref, une vraie pétaudière. Le résultat, en deux gros tomes luxueux (trop luxueux, c'est assez cher) sont deux merveilles de storytelling. Les personnages sont tous passionnants, la montée en puissance insupportable de tension. Même le découpage en deux tomes est parfaitement pensé, l'histoire marquant une étape cruciale à la fin du volume 1. Et puis c'est beau, très beau. 

 

L'avis d'Un Lecteur : SODA - Le Pasteur Sanglant, de B. Gazzotti et O. Bocquet

Couverture BD Soda Le Pasteur Sanglant. On y voit un homme habillé en pasteur qui dégaine un colt python face à une foule d'autres pasteurs
2024 est une année riche pour ceux qui aiment la série SODA. Et qui n'y croyaient plus. La série avait difficilement accouché, en 2014, d'un tome 13, premier d'un dyptique, 5 ans après le tome 12. Philippe Tome y avait perdu le dessinateur principal de la série (depuis le tome 3). Ce qui laisse un goût amer sur Résurrection (2024, Tome & Dan), c'est surtout le dossier à la fin où Tome y étale une théorie conspi sur le 9/11 en mode "faisez vos propres recherches" qui, aujourd'hui, me laisse carrément un goût de faisandé dans la bouche. J'ai aussi relu le reste de la série et ce virage commence à se voir dès le tome 11, paru en décembre 2001... coincidence ? Faisez vos recherches... j'en sais rien et ça ne m'intéresse pas.
Par contre que voulez-vous, quand la suite sort en 2024, soit dix ans après le dernier tome, 5 ans après la mort de Philippe Tome, achevé par Dan épaulé de quelques collaborateurs (Révélations, Tome & Dan), je l'achète quand même. L'histoire serait plutôt bonne (et Dan fournit un excellent travail) sans cet arrière goût. Je suppose que je suis pas le seul : Le Pasteur Sanglant a été publié comme un hors série avec un format différent et non numéroté. Et Résurrection comme le tome 13 de la série principale. Mais à la sortie de Révélations, la numérotation change : le dyptique devient un hors série (1/2 et 2/2) et Le Pasteur Sanglant est renuméroté 13. (Note de Philippe : tu m'as perdu...)
Ce dernier est donc l'oeuvre du dessinateur historique de la série (avec 11 albums sur 14), scénarisé par O. Bocquet. On a là un album qui s'intègre parfaitement à la série. Une histoire correcte et tout à fait dans le ton de la série, un dessin bien évidemment à la hauteur, un recentrage sur le procedural et les particularités du personnage principal. Cet album est un vrai plaisir à lire et montre, aussi, qu'il y a encore des histoires à raconter sur ce flic new-yorkais fringué en pasteur.

En jeu

L'avis de Philippe : Pax Elfica

La sortie du roman puis de la BD autour de Pax Elfica, que j'avais lu à la réception de la précommande de la campagne, ont provoqué chez moi l'envie de le proposer à mes enfants, avec qui nous étions entre deux campagnes. J'avais été bluffé à l'époque par la qualité d'écriture et la clarté de la présentation des arcs scénaristiques, qui se trouvent confirmées par l'usage en jeu : c'est très facile, malgré la taille et l'ambition de l'intrigue, à prendre en mains, et le démarrage se fait sur les chapeaux de roue grâce à des prétirés soigneusement conçus et des scènes d'introduction qui ne traînent pas en longueur. Pour le reste, je vous renvoie à la critique de Cédric, à laquelle je souscris complètement.

L'avis de Benoit: Mothership

J'arrive grave après la bataille, surtout que mes cothurnes ont parlé du jeu d'abondance à la fin de cette année, mais Mothership aura été pour moi la découverte surprise de 2024. J'avais le jeu sur une étagère depuis 18 mois, et en 24 heure de la lecture à la première partie en live, ça a été un vrai bonheur. Pas grand chose de plus à en dire sinon qu'il est en pole-position pour 2025. (Note de Philippe : ça te change de l'Anneau unique, hein ?)

L'avis de Cédric : Star Trek Adventures

Un des mes joueurs est un trekkie impénitent. Du genre à avoir regardé The Next Generation lors de sa première diffusion à la télé. Et pour un tas de raisons (dont un inintérêt initial de ma part), en 20 ans, notre table de JdR n'a jamais exploré cet univers. Je suis donc depuis peu en mode Star Trek pour maîtriser les bases de cette oeuvre pléthorique en vue d'une campagne en septembre 2025. J'ai donc choisi la 2nde édition de Star Trek Adventures pour motoriser ce projet, qui se basera sur la série télé Strange New Worlds. Et c'est vraiment une excellente passerelle pour un rôliste comme moi qui sait ce qu'est un vulcain mais qui n'a pas la patience de bingewatcher TNG, Voyager, DS9, Lower Decks, Picard et autre Discovery pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette oeuvre encyclopédique. Si seulement les bonnes IP de l'imaginaire avait droit à une adaptation aussi solide mais également aussi facile d'accès pour les béotiens comme moi.

L'avis de Tristan : RuneQuest

J’ai une longue histoire avec RuneQuest, qui peut se résumer en quatre mots : « je ne pige rien ! » Pendant des années, sur la base de lectures du peu qui arrivait en français, puis de discussions sur des forums avec des passionnés qui m’expliquaient très gentiment pour avoir la réponse à mes questions, il fallait consulter tel fanzine américain introuvable des années 80 j’ai considéré Glorantha comme quelque chose d’incontestablement génial, juste de complètement hors de ma portée, faute d’avoir pris le train en marche au bon moment.


Mais ça, c’était avant. En 2024, je me suis enfin attaqué à la lecture de l’actuelle gamme de Chaosium, et petit à petit, de livre de base en présentation de la passe du Dragon en passant par les livres des cultes, cette énorme masse d’information a commencé à faire sens – et je commence à faire des sondages prudents dans le Jonestown Compendium de DriveThru, des publications amateurs qui doivent représenter quatre ou cinq fois la gamme officielle en volume.


C’est effectivement génial, et il y a de quoi passer une vie entière à s’imprégner de Glorantha – et en plus, ça répond / amplifie mes obsessions actuelles sur l’âge du Bronze. Seul reproche : un système basé sur le BRP, ce qui est bien, mais dans une version surgie, elle aussi, de l’âge du Bronze.



L'avis de Steve : La Grive Noire


Je suis sorti très déstabilisé de ma partie de La Grive Noire, un jeu de Milouch qui propose tout ce que j'essaye en général d'éviter quand je propose un JdR autour de ma table. C'est un jeu sans MJ (ça encore ça va) où l'on va incarner des éléments d'un décor, sans véritable personnage (houla) et sur le temps long (comme dans Microscope, un jeu généralement apprécié mais auquel j'ai détesté jouer).

C'est pourtant un jeu auquel je repense souvent, parce que notre partie a produit de très belles scènes et - surtout - parce qu'il amène d'étonnantes interactions autour de la table, souvent jouées sur le mode de la confrontation ludique. On peut certes le présenter comme un jeu dans lequel on va chercher à prendre le temps de faire de jolies descriptions sur un mode contemplatif mais c'est, avant tout, un jeu très excitant où l'on va chercher à faire pencher le récit dans notre sens en jetant des regards de défi autour de la table de jeu.



L'avis de Slawick : Vermine 2047

Je triche un peu pour celui-là, que le GROG indique comme techniquement sortie fin 2023. Mais bon, depuis l’avénement des financement participatifs, les dates de publication ne sont plus une science exacte. Bref, Vermine 2047 était pour moi l'occasion de me rattraper sur un jeu à côté duquel j'étais complètement passé. Cette édition, avec un système un peu technique mais au poil, et sa masse d'outils pour faire du bac à sable post apo crado, m'a convaincu par la cohérence de sa proposition ludique et de sa gamme. C'est riche, c'est très bien écrit et développé, et ça donne qu'une envie, non pas de lire, mais d'explorer ce futur pas joli joli. (Note de Philippe : très très bon choix, Slawick. Les scénarios de La Route sont particulièrement bons, surtout un.)

En musique

L'avis de Benoit: Polygondwanaland de King Gizzard and the Lizard Wizard


Groupe OVNI venu d'Australie, King Gizzard a 26 albums à son actif en 14 ans d'existence, autant dire qu'ils sont prolifiques. Ne sachant pas par où m'y prendre, j'ai finalement franchi le pas et acheté Polygondwanaland sur la base d'une recommandation qui le décrivait comme "le plus prog" de leurs albums, et ça a été une grosse claque, direct dans mon top 1 de 2024. C'est très accessible et en même temps très bizarre, superbement écrit et joué, joueur aussi, mais sans que ça prenne le dessus sur la musique. C'est du rock progressif qui plonge vraiment aux racines 70s comme si le métal progressif qui domine la scène aujourd'hui n'avait pas existé. C'est juste génial. 

L'avis de Cédric: Pub Royal des Cowboys Fringants


En novembre 2023, Karl Tremblay, le chanteur des Cowboys Fringants, nous a quittés à la suite d'un long combat contre la maladie. Sa disparition avait été vécue collectivement comme une tragédie provinciale car les Cowboys, eh bien c'est la trame sonore de la vie de beaucoup d'entre nous. En 2024 est cependant sorti Pub Royal, un album studio prenant la forme d'une comédie musicale et enregistré avant le décès de Karl. Parmi les titres, deux sortent pour moi du lot : La fin du show, dont les paroles soulignent la lucidité du chanteur sur la finalité de la vie en général et donc de sa carrière. Elle fait vraiment mal, cette chanson, parce qu'on sait tous comment fini l'histoire. Mais loin d'être un album mortifère, Pub Royal se termine presque sur Merci ben !, une célébration ironique qui met un point final moqueur à cette épopée musicale. Merci ben, Karl... 



L'avis de Slawick: Pub Royal

Je sais, le même que Cédric. Mais les Cowboys Fringants font partie de mes meilleurs souvenirs de concert. Et ce chant de signe, particulièrement sombre et crépusculaire même pour les cowboys, est une réussite. Même l'alternance au chant entre le regretté Karl Tremblay (incroyable de charisme sur scène) et Marie-Annick Lépine passe très naturellement. Ouais, vraiment, merci les Cowboys, je vous aime. (Note de Philippe : va falloir muscler un peu notre jeu sur les critiques musicales si on veut piquer des lecteurs aux Inrocks)

En exposition

L'avis d'Un Lecteur : rien, j'habite en Province maintenant.
L'avis de Slawick : en dehors de la Comic Con et de la JapanExpo, il n'existe rien.
L'avis de Cédric : je crois qu'il serait dangereux de laisser Philippe éditer et publier le billet tout seul, il risquerait d'écrire des trucs sous notre nom.
L'avis de Tristan : j'ai une confiance pleine et entière envers Philippe, je lui dois beaucoup.
L'avis de Ben : c'est grâce à lui que j'ai eu ce stage.
L'avis de Steve : de toutes façons, c'est un blog qui a plus de co-auteurs que de visiteurs.
L'avis de Philippe : si vous continuez à dire des bêtises, on ne recommencera plus les billets à 14 mains.

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