Dexter

Oui, je sais, je radote. Je parlais déjà de Dexter la série télévisée dans un billet de juin 2007. Mais tandis que la série est en train de terminer sa troisième saison, j'ai poussé la curiosité jusqu'à lire les trois premiers romans de Jeff Lindsay. Mon but était de voir où la série télévisée puisait sa source et surtout, de mesurer l'écart entre les deux formats.


Le premier roman (Darkly Dreaming Dexter) est très révélateur de cette double forme. Bien que le pitch de l'intrigue principale soit identique avec celui de la première saison, c'est une lapalissade que de dire que 12 épisodes de 50 minutes sont bien plus profonds qu'un roman de 300 pages. Jeff Lindsay a d'excellentes idées dans son récit, mais le roman parait très vide en comparaison des multiples rebondissements et développements du scénario télévisé. En vérité, à la lecture du roman, j'ai du mal à croire que Dexter est un technicien de la police scientifique tant il est peu actif du point de vue professionnel. Mais là où le roman est plus puissant que la série, c'est dans le dialogue interne de Dexter. Car si la voix off joue très bien son rôle, les répliques cyniques de Dexter dans le roman sont encore plus délicieuse d'humour noir.


Le second roman (Dearly Devoted Dexter) part sur une excellente idée : le duel entre le sergent Doakes et Dexter. On s'éloigne énormément de la saison 2 avec une intrigue mettant en scène une sorte de dingue qui découpe ses victimes en faisant exprès de les laisser vivantes. Comme le méchant ne tue personne, Dexter agit encore moins en tant que spécialiste du sang. C'est frustrant cette sous-utilisation de la spécialité du héros. Mais l'opposition Doakes/Dexter et les savoureux échanges acerbes donnent 300 pages qui se lisent avec plaisir.


Et là, c'est le drame avec Dexter in the dark. Lindsay se permet de plonger dans le surnaturel pour expliquer la nature de son héros. Pouf, si Dexter est si meurtrier, c'est parce qu'il y a une sorte de démon au fond de lui. Là, on part à des années-lumières de la série. L'intrigue n'est pas réussie et l'explication démoniaque est très décevante. C'était les choix moraux de Dexter qui étaient intéressants, mais la présence d'un simili-démon est une facilité scénaristique qui m'a fait totalement décrocher. Pourtant, ce troisième roman a un élément très fort : Dexter commence à comprendre qu'Astor et Cody (les enfants de Rita) sont des petits Dexter en devenir. Du coup, il devient un peu Harry, son père adoptif qui lui a appris à tuer pour de bonnes raisons. Ce thème est super intéressant, mais l'intrusion des démons annule cette bonne idée.

Bref, c'est rigolo de voir les différences entre romans et série télévisée. Certains personnages décèdent dès le premier roman (et je suis sympa, je ne vous spoile pas), d'autres sont ridiculement absent du roman alors qu'ils sont des piliers dans la série... Je me rends compte que le travail des scénaristes télé est titanesque et de grande qualité : ils ont su prendre les bonnes idées de Jeff Lindsay et développer un univers bien plus riche. Je croise juste les doigts pour qu'ils n'adoptent pas l'explication démoniaque dans la série. Mais la 3ème saison actuelle me démontre qu'ils savent créer des intrigues très intéressantes sans plus trop se soucier des romans.

Et j'ai enfin compris pourquoi j'aime Dexter. Je trouvais le principe du gentil tueur qui assassine des salauds trop... gentil. Je crois que l'intérêt de ce personnage (en dehors de son cynisme de connivence avec le lecteur/spectateur) c'est qu'il joue à être humain, il possède une sorte de masque derrière lequel il analyse énormément le comportement social et psychologique de son entourrage. Et nous sommes tous des Dexter : nous sommes tous parfois trop conscients de notre jeu social, des faux semblants dans les liens affectifs, des mensonges de la coexistence avec les proches... On se reconnait en Dexter. Non pas quand il tue des gens mais quand il ment et joue le rôle d'un être humain. Et tout comme lui, à force de faire semblant, on devient de plus en plus... humain ?

Commentaires

  1. Je pense que tu as en effet mis le doigt sur l'intérêt principal de la série : la sociopathie de Dexter, et son effort pour s'intégrer en tant qu'humain. Je n'ai vu que 3 épisodes de la 1e saison (sur tes conseils :), mais c'est ce qui m'accroche le plus.

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