Cela faisait longtemps que je n'étais pas retourné aux sources de notre goût pour la Fantasy. Les vacances étant souvent l'occasion de ressortir des bibliothèques des vieux livres relus plusieurs fois, retour cette fois-ci sur Jack Vance et sa Vieille Terre - Dying Earth en version originale, du nom du recueil éponyme qui est une de ses premières oeuvres. J'envie ceux qui n'ont pas encore lu Vance, et à qui il reste un monde de découvertes et de rencontres à faire...
Le décor est celui de la Terre, lors de ses dernières années avant l'extinction du soleil. Les civilisations sont éteintes ou complètement décadentes, et les derniers hommes, cyniques et désabusés, attendent leur mort collective en se livrant avec frénésie à leurs activités traditionnelles : complots, trahisons, guerres, marchandages, et arnaques. Les moeurs sont riches et raffinées et la vie "suppure, riche comme un fruit pourri".
Malgré son statut de texte de jeunesse, on retrouve dès Un monde magique les caractéristiques essentielles de toute l'oeuvre de Vance : personnages bigarrés, dialogues cauteleux, coutumes exotiques, et des récits oscillant entre merveilleux et horreur. On peut trouver certains textes postérieurs de Vance encore meilleurs, mais Un monde magique garde le charme de la fraîcheur et de la nouveauté, et un "sense of wonder" indéniable.
Vance reviendra à la Vieille Terre 15 ans plus tard, avec son personnage le plus connu : Cugel, un coquin vagabond dont les ruses se retournent contre lui. Là où la construction de Un monde magique était assez complexe, avec des récits emboités les uns dans les autres, celle de Cugel l'astucieux est beaucoup plus linéaire, empruntée au récit picaresque. La couverture de ma vieille édition est tout à fait mensongère : Cugel n'est pas un fier héros posant avec une belle alanguie accrochée à son bras musclé, mais un escroc itinérant souvent obligé de fuir sous les pierres et les insultes. La couverture d'une édition postérieure correspond bien mieux à l'ambiance du livre.
Chaque chapitre du roman présente une aventure distincte du héros, lors de son voyage de retour vers la cité après une quête qu'un sorcier l'a obligé à accomplir à l'autre bout du monde. Chaque fois, c'est son bagout qui sauve - et condamne - Cugel. Les rares qui ne connaîtraient pas Cugel pourrait le découvrir dans ce chapitre manquant à l'édition française, proposé à l'époque par un magazine de jeux de rôle dans un numéro dédié à Vance (Graal, HS n°4).
Cugel Saga, publié quelques années plus tard, reprendra la même recette, en envoyant Cugel explorait une autre partie du monde. Toute l'inventivité et l'imagination de Vance s'y déploient avec panache, et chaque récit est une merveille d'invention, de faconde, et de cocasserie.
Rhilato le Merveilleux est le dernier roman publié par Vance dans cet univers. Il est bien plus tardif, et, si l'on y retrouve tous les éléments auxquels on est habitué, il est bien moins inventif et surprenant que les précédents. Il est d'une lecture agréable et les fans n'en feront pas l'impasse, mais c'est loin d'être un incontournable.
Pour ceux qui en veulent plus :
Le personnage de Cugel a été repris par Michael Shea, dont nous avions déjà parlé, dans la Revanche de Cugel l'Astucieux. Un roman sympathique, mais dont le style s'écarte trop de ceux de Vance pour que la comparaison soit à l'avantage du repreneur. De plus, ce roman a été écrit pour faire suite à Cugel l'astucieux, avant que Vance écrive Cugel Saga, qui reparte aussi du même point. Une anthologie de nouvelles reprenant le personnages a été publié par Nestiveqnen, Sur les traces de Cugel l'astucieux. Et pour sortir un peu de la Vieille Terre, Bifrost a publié un excellent hors-série consacré à Vance. Ce sera l'occasion de découvrir d'autres cycles, souvent devenus des classiques de SF ou de Fantasy : la Geste des Princes-Démons, le Cycle de Tschaï, Lyonnesse, la Planète Géante, le cycle d'Alastor, Durdane, ou Cadwal.
Enfin, on retiendra aussi l'excellente, la superbe, l'époustouflante adaptation en jeu de rôle du cycle, par Pelgrane Press (cf. fiche du GROG), dont je vous reparlerai très bientôt avec un texte promis de longue date.
De cet univers je préfère Cugel Saga.
RépondreSupprimerTu remue pas mal de souvenirs en ressortant ce vieux Graal...
J'aime beaucoup Vance et je garde un excellent souvenir de la série de Cugel que j'ai lu il y a très longtemps et que je relirais avec plaisir!
RépondreSupprimerSuper souvenir que Un monde magique.
RépondreSupprimerEntre ici, Cugel, avec ton terrible cortège...
RépondreSupprimerJe veux toujours faire jouer une espèce de mix entre Cugel et Locke Lamora en utilisant les règles de Dying Earth, mais le temps manque, comme d'hab.
Une question aux grands mamamouchis de Vance : les romans de Lyonnesse sont-ils recommandables ?
Remuer les vieux souvenirs, c'est le but des chroniques écrites sous ce tag. :-)
RépondreSupprimer@ Cédric : je pourrais faire une chronique sur Lyonnesse, qui figure dans mon Top Ten, mais en résumé : à l'exception du dernier tome écrit après coup, oui, dix fois oui. C'est en Fantasy le chef-d'oeuvre de Vance, il y a tout et mieux encore. Son portrait de la petite princesse Suldrun est très touchant, les dialogues sont de petits bijoux, ça foisonne de partout. Bref, oui.
Bon, bah Munin a été plus rapide que moi. En ce qui me concerne, Lyonnesse est l'œuvre de Vance que je préfère.
RépondreSupprimer+1 avec Munin et Arutha concernant Lyonesse.
RépondreSupprimerAillas de Troicinet est un "Cugel positif", autant de déboires mais pas de "lose attitude".
Voilà c'est gagné j'ai des étoiles plein les yeux. "Un monde magique" est sans doute l'un de mes préférés.
RépondreSupprimerLyonnesse c'est très bien. Mon tout premier roman en était une repompée vraiment honteuse.
RépondreSupprimerTu me donnes vraiment envie de relire Vance. J'ai gardé un souvenir sans doute exagéré mais très fort des Cugel et des chroniques de Durdane. Jamais lu "un monde magique", mais ça fait très très envie.
Merci pour ce beau post rétrospective...