Je vous avais présenté Bernhard Gunther dans La trilogie berlinoise, ce flic de la Kripo qui avant et après la guerre, tente de survivre entre cynisme et anti-nazisme primaire. La mort, entre autres est la suite directe des trois précédents volumes. 1949. Munich et Vienne. Notre brave Bernie continue sa petite vie de détective privée dans une Allemagne qui oscille entre culpabilité et fatalisme. Les Russes égalisent les SS dans le sordide. Les Américains agissent comme des cow-boys. Les Français sont absents. Et les Allemands ne savent pas sur quel pied danser. Certes, le IIIe Reich était horrible, mais il faut bien continuer de vivre et fréquenter les bourreaux et les victimes d'hier. Ce qui fait vivre Bernie, ce sont les histoires de personnes disparues. Et elles sont nombreuses au sortir de tout ce merdier.
Et c'est en craquant pour une jolie cliente (dans la grande tradition du roman noir) que Bernie va se mettre à la recherche d'un ancien salopard de SS. Sa femme voudrait se remarier, mais en bonne catholique, elle ne veut pas demander le divorce et s’accommoderait fort bien du certificat de décès de son mari. Et Bernie, lui-même ancien SS, sait qu'il existe une organisation secrète qui permet aux criminels de guerre de prendre la poudre d'escampette jusqu'en Argentine. Alors il mène sa petite enquête qui va bien évidemment déboucher sur une histoire bien plus ambitieuse et dangereuse. C'est peu dire que Bernie va être maltraité.
Philip Kerr tisse ici un portrait saisissant de la reconstruction allemande. Il traite de la complicité de l'Église avec les filières d'exfiltration des nazis, des groupuscules juifs qui cherchaient à se venger en empoisonnant les camps de prisonniers de guerre allemands ou en abattant les coupables sans procès, des expériences médicales, des liens entre la Palestine et l'état nazi. C'est très intéressant. Certes, l'intrigue est un peu trop bien ficelée pour paraître réaliste, mais elle s'appuie, comme souvent avec Kerr, sur des vérités historiques méconnues du grand public. Le tout avec la verve de Bernhard Gunther, le plus chandlerien des détectives boches. La bière remplace le whisky, mais le héros débite ses répliques acerbes en se laissant séduire par la femme fatale ou la petite pépé bien roulée.
Je parlais il y a peu du manichéisme des oeuvres comme Fortitude. Les polars de Philip Kerr sont au contraire construits tout en nuance de gris. Et c'est passionnant.
Faudra que j'essaie cet auteur. Pendant les vacances d'été peut-être.
RépondreSupprimerTu peux y aller avec L'été de cristal, qui se passe en 36 pendant les JO de Berlin.
SupprimerC'est le premier tome de la trilogie berlinoise, et il était sorti il y a longtemps dans la collection Le Masque, donc il est trouvable en occaz pour se donner une idée de Kerr.