Hollywood Blues


Je parlais il y a peu d'Anno Dracula, où Kim Newman recyclait tous les vampires qu'il avait croisés dans ses lectures et visionnages pour réécrire l'histoire de Jack l'Éventreur dans une uchronie littéraire où Dracula a gagné. Bon, ben visiblement, le recyclage, ça le connait, le père Newman, car Hollywood Blues est l'occasion de refourguer au lecteur tous les films noirs que le romancier a vus.

Dans un futur pas décrit, le pire méchant du monde a été emprisonné mais a trouvé un moyen de s'échapper en vampirisant Yggdrasil, l'IA qui fait tourner l'univers, afin de créer une réalité virtuelle entièrement construite à partir des films en noir et blanc d'avant-guerre. On décide donc d'envoyer dans cet amalgame cinématographique deux intervenants qui possèdent le don de modifier ce genre d'univers rien que par la pensée. Un homme prenant l'apparence d'un détective privé, et une femme sachant très bien qu'elle ne doit pas correspondre au cliché de la femme fatale si elle ne veut pas mourir avant la fin de l'enquête. Ils ont tout deux conscience des codes du genre et vont essayer de coincer le criminel en jouant le jeu de ce décor ultra codifié.

Et donc le moindre intervenant de cette histoire est directement inspiré par un rôle précis d'un acteur bien particulier dans un film que je ne connais pas. L'auteur cite les titres les uns après les autres, et je ne suis pas équipé pour comprendre les allusions. Oh, je ne suis pas complètement largué, j'ai vu Le Faucon maltais, mais 90% des références me passent au dessus de la tête. Et comme c'est ce jeu de renvois permanents aux films qui fait tout le sel du récit, je me suis ennuyé ferme. Dans Anno Dracula, ça fonctionne car Newman manipule une matière qui fait désormais partie de l'inconscient collectif tant elle est prégnante, mais avec le genre noir, on est loin d'avoir un langage universel et des référents connus de tous. J'ai bien rigolé quand Newman a fait des allusions (gratuites) à Cthulhu et Nyarlathotep, mais la majorité du temps, ça ressemblait à une interminable présentation d'Eddy Mitchell dans La Dernière séance. Je l'aime bien, m'sieur Eddy, mais pas quand il parle tant que le projectionniste n'a plus le temps de diffuser le film que j'étais venu voir.

Reste le coup du méchant qui se cache dans une réalité virtuelle et qu'il faut aller déloger en bidouillant sa bulle d'irréalité. C'est éminemment rôlistique, surtout quand les héros ont le pouvoir de modifier la matière. Et c'est pratique car l'histoire peut débuter comme dans un film noir, sans que les personnages ne se souviennent qu'ils sont réellement dans un simple décor de cinéma, car les clichés qu'embrassent les PJ s'imposent à eux et écrasent leurs souvenirs. Il y a donc moyen de débuter en accumulant les images d'Épinal du genre pour arriver progressivement à révéler la vraie nature de cette vue de l'esprit qu'est cette fusion de films qui constituent une prison dans la prison.

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