Épisode 36
Numéros 157, 184 et 210 de
la collection Fantastique/Science-fiction/Aventure (1986, 1986 et 1988)
Ces trois anthologies ont
beau être consacrées aux « goules, vampires et loups-garous », les
suceurs de sang s’y taillent la part du lion, avec une moyenne de six récits
par volume. Ils sont suivis par les loups-garous (cinq récits répartis sur les
trois volumes) et enfin par les goules (quatre récits au total). La domination
des vampires est sensible sans être absolue, car les récits qui leur sont
consacrés sont en moyenne plus courts – et louchent pour certains vers
l’histoire brève, à chute.
La présentation est
thématique, par monstre, plutôt que chronologique, mais un coup d’œil sur les
sommaires permet de situer les bornes historiques entre lesquelles a navigué
Jacques Finné, l’anthologiste : Laisse
dormir les morts ! est un conte romantique allemand de 1823, alors que
les histoires les plus récentes datent de la fin des années 1980 (dans la
préface du premier volume, Jacques Finné parle d’Anne Rice comme d’une jeune
auteure à surveiller, c’est dire si c’est loin, tout ça).
Le lecteur y découvre un
judicieux mélange de contes victoriens, de nouvelles parues dans les années 20
et 30 dans Weird Tales et ses cousins,
d’histoires piochées dans le Playboy des
années 60… L’essentiel de la sélection appartient au domaine anglo-saxon, avec
quelques excursions parmi les auteurs allemands. Quant aux amateurs de
fantastique francophone, ils sont condamnés à trois nouvelles de Gaston
Compère, une par volume – un peu plus de diversité de ce côté-là n’aurait pas
nui.
Les goules bénéficient de
deux excellents récits, Quietly Now,
de Charles L. Grant dans le volume 1 et La
mer était humide autant qu’humide se peut, de Gahan Wilson dans le volume 2
(j’ai une petite préférence pour le deuxième, qui a un peu plus de… mordant). Dents pour dents, de Mirian Allen de
Ford, dans le volume 3, est également une très honnête réussite.
Les loups-garous sont
moins bien servis. Dans le tome 1, Pia !
est un huis clos, qui marcherait avec n’importe quoi d’autre qu’un
loup-garou. Fourrure blanche est une
déclinaison nordique du sujet, un peu lente, avec beaucoup de neige, une ferme
et une intruse trop séduisante pour être honnête. Le loup-garou de Ponkert, dans le tome 2, a dû être follement
original en 1925 : une histoire de loup-garou racontée par le loup-garou
en personne. Elle a beau avoir « été inspirée par une remarque de
Lovecraft », elle n’est pas plus marquante que ça. Enfin, Lune de sang, dans le tome 3, est efficace
sans plus.
Quant aux vampires, on y
croise de tout, et présenter toutes les nouvelles serait fastidieux – mais
chacun des trois volumes en contient une ou deux excellentes. Dans le tome 1,
ma préférence va à Bois mon sang, de
Richard Matheson, un grand cru mathesonien, court et méchant. Dans le 2, j’ai
été impressionné par Il fallait faire
quelque chose, et dans le 3, par le victorianissime Baiser de Judas.
Certains récits sont d’un
classicisme parfait, comme Le mausolée du
Père-Lachaise qui, comme son titre ne l’indique pas, est une œuvre
allemande. D’autres se promènent dans l’espace ou le temps, mettent en scène
Edgar Poe, ou baladent leur vampire à Hollywood, pendant la Seconde guerre
mondiale (deux fois, avec des traitements très différents), au Viet-nâm ou dans
l’espace au 30e siècle. On voit même passer, dans un récit très pulp, des vampires serbes à la dérive
dans l’océan Indien, à bord d’un vaisseau fantôme nommé Golconda…
Pourquoi est-ce que je
vous parle de tout ça ?
Déjà parce que même si
certains textes ont vieilli ou sont difficiles à lire, l’ensemble reste
plaisant – pas forcément effrayant, parce qu’on est largement en pays de
connaissance, mais agréable à lire.
Ensuite parce qu’une
anthologie comme celle-ci est un bon moyen de se rappeler que le vampire ou le
loup-garou ont existé avant – mais alors, bien avant – leur vogue dans les
années 1990 et 2000. Ça ne leur fait pas de mal d’être dégagés de l’épais badigeon
whitewolfo-twillighesque qui, de nos jours, leur colle aux poils. Quant aux
goules, les pauvres petites sont tellement délaissées que ça fait plaisir de
lire quelques histoires qui les mettent en scène.
Enfin parce que c’est
passionnant de voir comment des sujets similaires sont traités à travers les
époques et les continents. Laisse dormir
les morts ! est un récit échevelé, avec cimetières, nécromant, adultère, malédiction et châtiment à grand
spectacle. À l’autre bout, on savoure des histoires faussement lisses, insidieuses…
Au passage, il est aussi intéressant de voir à quel point le vampire se prête
bien à une approche distanciée, voire à la franche parodie dans La Résurrection de grand-papa, qui clôt
le tome 3.
De tout ce que j’ai lu en
NéO ces derniers mois, Trois saigneurs de
la nuit est l’un des titres qui se prêterait le mieux à une réédition,
peut-être en un seul volume… ou alors, enrichi de titres puisés dans la
production de ces trente dernières années.
Ahaha, ils sont sur mes étagères. Très sympas à lire c'est vrai, et Gaston Compère quelle rigolade.
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