Dans l'immédiat après-guerres, Paris est habité d'un monde interlope composé de petites frappes, de losers, de clodos, de biffins, de fourgues, de vagabonds. Jacques Yonnet a déjà été évoqué dans ce blog, avec son magnifique Rue des Maléfices. Même s'ils ne l'ont pas connu, on peut considérer Jean-Paul Clébert et Robert Giraud, qui se connaissaient, comme ses héritiers directs : ils traînent dans les troquets avec les épaves, manient un argot gouailleur comme on en fait plus, usent leurs pompes "à gueule de brochet" sur les nuits du pavé parisien pas encore couvert de goudron, piquent des légumes dans les Halles, squattent où ils peuvent.Jean-Paul Clébert, à l'époque, est un clochard. On ne saura jamais si c'est un choix volontaire comme Orwell ou une série de malheurs qui l'ont amené à ça. En tout cas, cela fait un certains temps que ça dure et il sait rouler sa bosse et survivre sans mal dans la capitale avec tous ses comparses traîne-savates, courtise-misères, crève-la-faim, fouille-poubelles, couche-dehors, claque-patins et autres va-nu-pieds.
Le livre est une collection d'anecdotes, un panorama de la misère, de la survie urbaine et de toutes cette faune étrange qui peuple les interstice de la ville lumière, juste à la limite du champ de vision, comme une moisissure malsaine entre deux pavés. Clébert nous présente ses potes, les rades où il va boire des canons de vinasse pour saoulards, ses techniques pour récupérer quelques pièces ou morceaux de sucre, ses plans pour pioncer au chaud. Il y a du génie, dans la façon dont vivent ces gens, qui ont des plans étranges, des idées parfois bizarres mais, au final, semblent à la fois plus libre de manière générale mais aussi violemment soumis à leurs impératifs de survie : manger, dormir, baiser. A la fin, Clébert étouffe à Paris et décide d'aller ailleurs mais Paris restera toujours un gros aimant et Paris Insolite nous présente la partie parisienne d'un cycle province-capitale prêt à se répéter.
Notez qu'il existe une version illustrée par P. Molinard de l'ouvrage, chez Attila :
Bob Giraud, lui, était pote avec Doisneau et il existe une version de son Vin des rues illustré par icelui...
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