Je suis
venu tardivement à la Sword & Sorcery, ce qui fait que je ne suis pas
nostalgique de ce genre. Mais depuis que j’ai lu Leiber et Howard, je saisis
mieux ce qui fascine les lecteurs de S&S et aussi les rôlistes qui tiennent
absolument à incarner un barbare en pagne. Je reconnais une grande force à la
simplicité des intrigues. Une menace sourde dans la jungle. Un dieu indicible dans
les ruines d’un temple. Un roi-sorcier menaçant un royaume… On se sent tout de
suite concerné, car ça vous prend aux tripes. Oui, ça flatte certains de vos
bas instincts en s’adressant directement à votre cerveau reptilien, mais on ne
peut pas uniquement faire jouer des campagnes philosophiques visant à
transformer les joueurs en métaphysiciens. Des fois, on veut juste bander ses
muscles imaginaires, foncer dans le tas et ravir la fille court vêtue des
griffes du sombre invocateur qui était sur le point de la sacrifier à un démon.
Et quand on a des envies aussi primaires que jouissives, on peut se tourner en
toute confiance vers Barbarians of
Lemuria pour les assouvir sans culpabilité.
La Lémurie
(car oui, le nom est traduit dans le texte mais pas dans le titre, allez savoir
pourquoi) est une terre sauvage et rude qui contient tout ce qu’il faut pour
vivre des aventures barbaresques : elle a pile-poil le bon nombre de cités
des voleurs qu’il faut, les ruines mystérieuses sont parfaitement réparties sur
la carte, les temples maudits ne sont pas trop difficiles à trouver… C’est
vraiment un décor pensé pour le confort ludique des barbares qui y gambaderont.
Les principales cités sont décrites en un paragraphe largement suffisant, il y
a tout un bestiaire monstrueux qui vivote à l’air libre en attendant de tomber
sur les PJ, on a la brochette de dieux mauvais qui vont ourdir la fin du monde…
Ça a beau être un décor nouveau, on est en terrain conquis dans le sens où tous
les clichés du genre sont là. Des dinosaures. Des âmes corrompues. Des tribus
qui errent. Des caravanes attaquées sur des routes commerciales…
Mécaniquement,
c’est simple : on jette 2d6, on additionne l’une des 4 caractéristiques
(qui varient de -1 à 4) et un métier (qui oscille entre 0 et 4) et la somme
doit faite 9 ou plus pour obtenir un succès. Il y a un système simple d’avantage
et désavantage qui permet de jeter 3d6 ou 4d6 et de garder les 2 meilleurs ou
les deux moins bons selon les circonstances. Le tout est résumable en une page,
ce n’est vraiment pas compliqué. Le système a même un petit goût de LDVELH qui
n’est pas pour me déplaire. Il y a évidemment des règles pour faire de la
sorcellerie (mais c’est une mauvaise idée, on sait tous que la magie corrompt
immanquablement dans la S&S) ou invoquer des démons. Il y a même des règles
de combat de masse et naval qui sont presque de trop.
L’idée de
décrire l’expérience du personnage via quatre métiers rend hommage au style
épisodique de Conan qui est pirate à un moment, puis chef mercenaire, puis
voleur, puis roi. C’est simple mais très efficace.
Je n’ai pas
vu de grosse bêtise dans les règles si ce n’est à la page 62 ou l’on apprend
dans un exemple que 10 +1 + 1 - 1 fait 12. Il y a aussi cette règle étrange qui
fait que quand on utilise le tir avec une arme, on ajoute aux dégâts la moitié
de son score de vigueur. Ce que je conçois aisément quand on balance à distance
sa hache dans le thorax d’un mort-vivant mais que j’ai du mal à m’expliquer
quand on utilise une arbalète. Mais je pinaille, les règles sont quand même
très carrées dans l’ensemble. C’est bien simple : pour une fois j’ai l’idée
saugrenue d’utiliser les règles du jeu sans les bidouiller, c’est dire si elles
sont bien faites.
Le livre se
termine avec plusieurs scénarios résumables sur un post-it, mais encore une
fois ce n’est pas un défaut. Une séance de BoL, ce n’est pas une intrigue à
tiroir qui va vous ébouriffer par la complexité des motivations de chacun des
figurants. C’est le plus souvent un prétexte à un voyage dangereux qui va
culminer par un combat contre une menace démoniaque ou monstrueuse. Ça se joue
en 2 ou 3h pour ne pas aller se coucher trop tard. D’ailleurs le livre propose
de nombreuses tables aléatoires pour improviser une partie car c’est un genre
qui s’accommode très bien aux parties impromptues. « Vous êtes dans une auberge, vous venez de dilapider tout l’or que vous
aviez gagné dans votre précédente aventure, quand soudain la porte explose… »
Le tout est
illustré par Manu Roudier, déjà favorablement connu de nos services pour avoir
créée Würm, un JdR
préhistorique qui était la suite logique des BD publiées par ce monsieur. Bon,
ben les illustrations de BoL sont du même tonneau : de la tuerie
graphique. Les monstres, les armes, les peuples, les décors… Le livre déborde d’illustrations,
à un tel point que par moment, les dessins font de l’ombre au texte. Parce que
quitte à jouer avec des clichés, je préfère une illustration de la cité des
mendiants de Manakor qu’un paragraphe qui me dit que c’est une cité remplie de
mendiants. D'ailleurs, si le sieur Roudier demandait de l'argent pour publier un art book Sword & Sorcery, il obtiendrait mes sous sur l'instant.
Au final,
Barbarians of Lemuria est un sans-faute : en 200 pages on a un univers qui
se prend facilement en main tant il est iconique, des règles faciles à utiliser
et des aventures simples à mettre en scène. Le tout sous la forme d’un bouquin
inspirant. Rien qu’en le feuilletant on a envie d’incarner un guerrier d’ébène
maniant la lance ou un voleur au grand cœur. Chaque page est une invitation à l’aventure.
Ce jeu clôt admirablement l’année rôlistique 2016.
Merci pour cette critique qui donne un très bon aperçu du jeu. Vous avez utilisé de bien meilleures expressions que moi et je vous en suis très reconnaissant !
RépondreSupprimer"C’est le plus souvent un prétexte à un voyage dangereux qui va culminer par un combat contre une menace démoniaque ou monstrueuse. Ça se joue en 2 ou 3h pour ne pas aller se coucher trop tard."
RépondreSupprimerMon entourage étant devenu ce qu'il est devenu, tu m'intéresses.
Je ne trouve pas la version avec ta couverture, elle est où ?
RépondreSupprimerJe viens de trouver o_O
RépondreSupprimerEt par rapport à la première édition, c'est si tant mieux que ça ? Ou je peux garder ma version illustrée par John Grumph ?
RépondreSupprimer