Biblio #4 : Nouvelle-Crobuzon

Cela faisait un moment que nous n'avions pas proposé nos références pour Adrey et nous reprenons le fil avec la présentation d'un roman d'actualité, puisque le livre en version poche vient à peine de sortir. Nous quittons le sous-sous-genre de la fantasy policière pour vous parler d'une espèce d'ovni qui a raflé à la fois le prix Arthur C. Clarke (attribué à des oeuvres de SF) et le British Fantasy Award (qui récompense, comme son nom l'indique, des bouquins de fantasy).



China Miéville - Perdido Street Station

Nouvelle-Crobuzon, la mégapole où se déroule Perdido Street Station, est aux villes du med-fan ce que le Londres de la Révolution Industrielle est aux cités du Moyen-Age. C'est cette ville, plus que l'intrigue du roman lui-même, qui justifie que nous en fassions une inspi pour Blanc-seing. Non que l'histoire soit inintéressante, loin de là : la quête de Yagharek, homme-oiseau déchu en quête de rédemption, et sa rencontre avec Isaac, scientifique marginal vivant une histoire d'amour clandestine avec une femme-insecte, est forte et émouvante. A cela s'ajoute le cauchemar que vit Nouvelle-Crobuzon, avec les déprédations commises par des monstres en liberté dans le ciel de la ville. Si l'histoire commence doucement, avec des graines d'intrigues semées çà et là, elle accélère ensuite pour atteindre un rythme trépidant dans le second tome, et de nombreuses intrigues secondaires (comme les commandes de Lin) viennent encore réhausser l'intérêt du récit.

Mais la ville de Nouvelle-Crobuzon acquiert dès les premières pages, grâce au style soutenu et évocateur de l'auteur, une atsmosphère unique, et les descriptions des quartiers leur confèrent à chacun une personnalité propre. Nouvelle-Crobuzon est une cité tentaculaire et chaotique, sale et bigarrée, traversée de rails, de trams aériens, de fleuves (la Poix, la Chancre et le Bitume : les noms disent tout), où les ghettos surpeuplés cotoient les friches industrielles. La visite de la ville par l'auteur, jamais gratuite pour le récit, fait naître quantité d'images mentales chez le lecteur.

Blanc-seing utilisant le cadre de la ville d'Adrey, nous ne pouvions qu'être sensibles à l'approche de Miéville. Cela ne veut pas dire qu'Adrey s'inspirera de Nouvelle-Crobuzon, mais que le soin du détail et sa justification par le récit fait aussi partie des buts que nous nous sommes fixés. Mais les romans de Miéville constituent également une inspiration, de par leur portée politique. Miéville est un activiste de gauche, et ses convictions nourrissent la trame de ses romans - ce qui est particulièrement visible dans Iron Council. L'une des caractéristiques des récits de Miéville est les emprunts faits à de nombreux genres littéraires (steampunk, cyberpunk, western, roman-feuilleton, ...), et la dimension politique des récits donne une coloration dystopienne à Perdido Street Station : le Maire et ses activités régaliennes, la Milice anonyme aux pouvoirs discrétionnaires, sonnent très orwelliens. Les intrigues secondaires abordent de très nombreux sujets, allant du racisme à la liberté de la presse en passant par l'homophobie. Sans vouloir faire de Blanc-seing un pamphlet politique (encore qu'avec l'auteur de Sovok, il faille se méfier...), nous avons également envie d'ancrer notre ville imiginaire dans un tissu socio-culturel, non pas réaliste, mais complexe et vraisemblable. C'est en cela que les romans de Miéville font partie de notre modèle.

Pour en savoir plus
Perdido Street Station est le premier roman de Miéville situé dans l'univers de Bas-Lag. Les Scarifiés, paru chez Fleuve Noir en octobre 2005, raconte comment une fugitive de la Nouvelle-Crobuzon et connaissance d'Isaac se retrouve contrainte de vivre sur une curieuse cité flottante, Armada. Iron Council, inédit en français, revient à Nouvelle-Crobuzon, 30 ans après les événements de Perdido Street Station.
Enfin, les lecteurs convertis à Miéville pourront également se procurer son 1er roman, King Rat, un roman mêlant Fantasy Urbaine et Horreur, s'inspirant de l'histoire du joueur de flûte de Hamelin et du courant du drum'n'bass. Efficace, quoique moins brillant et novateur que ses romans ultérieurs.

Miéville a de la sympathie pour les rôlistes : les auteurs de A-State lui ont envoyé son jeu, et nous étions un temps en contact avec lui pour réaliser un dossier sur Bas-Lag dans le cadre de Casus Belli, avec l'aide de Thomas "Vous avez dit Urban Fantasy ?" B.. Le projet a été décalé, et maintenant que Casus s'interrompt, difficile de dire s'il redeviendra d'actualité. En attendant, on peut toujours se consoler en rêvassant devant les couvertures de l'édition Pocket du roman, réalisées par un certain Marc Simonetti...

Biblios précédentes
n°3 : Vlad Taltos
n°2 : Lord Darcy
n°1 : Hawk & Fisher

Addendum :
Je groupe ici des critiques complémentaires trouvées sur d'autres blogs.

Commentaires

  1. Anonyme19/9/06

    Bon, ça y est j'en ai assez lut. Je crois que je vois où vous voulez en venir, et je suis déjà fan.

    La propagande de Philippe m'ayant fait acheter mon premier JdR en anglais, vous ne vous étonnerez pas d'avoir un client tout acquis (et un relecteur, testeur, homme à tout feur si vous voulez...).

    Sinon, comme Inspi, même si çela m'étonnerais que vous soyiez passé à coté, il y a tous les épisodes des Annales du Disque Monde mettant en scène le guet.
    On y voit une police devenir de plus en plus professionnelle au fil des épisodes, ce que confirme "Pied d'Argile", que je suis en train de finir.
    Certes, c'est sur le ton de l'humour, mais nombre de bonnes idées peuvent être intégrées dans un jeu policier. Un alchimiste expert "scientifique", une louve-garou pisteuse, un chef entretenant des relations délicates avec les autorités politiques, sont des exemples représentatif des transpositions que Pratchett effectue entre notre police et celle d'Ankh Morpork.

    Bref, vous en êtes où de Blanc-seing ? :)

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  2. Anonyme19/9/06

    Et qui a parlé de Miéville en premier dans Casus, hein ? :)

    Sinon, on pouvait l'entendre dans un documentaire radio diffusé sur un canal de la BBC et sur le web en décembre 2005 (ou 2004 ?). A l'occasion des 30 ans de D&D, le documentaire parlait du jeu de rôle et de son histoire, interviewait diverses personnalités comme Ian Livingstone par exemple, et aussi China Miéville.

    Celui-ci disait avoir été rôliste et ne plus l'être depuis longtemps, parce que ça prend trop de temps et d'énergies créatives et qu'il voulait faire autre chose. Mais il disait aussi continuer à acheter des JdR parce qu'il continuait à être fasciné par cette volonté de mettre en jeu et en chiffres des univers. Ou quelque chose comme ça.

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  3. A Pierrick :
    Tu lis dans nos pensées : nous allons bientôt faire une Biblio sur la série du Guet. C'est une de nos références. :)
    Et nous sommes contents que la propagande fasse mouche.
    Quant au statut du travail, les notes avancent, mais nous déblayons tout le reste avant d'attaquer la véritable phase de rédaction.

    A Aurélien :
    Nous te concédons d'avoir parlé le 1er de Miéville. :)
    Quant à l'interview, j'en ai entendu parler mais je ne l'ai pas vue. Il me semblait bien que Miéville était rôliste, mais je n'étais plus sûr. D'ailleurs... mais chut... ;)

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  4. Anonyme19/9/06

    Ostie de décalage horaire, j'arrive après la bataille, comme d'hab.

    L'écriture de China Miéville m'a énormément rappelé celle de Mervyn Peake par sa densité et son sens du détail. C'est typiquement le genre de style littéraire que je ne peux pas aborder en VO tellement c'est riche de subtilité. Même les anglophones de naissance à qui j'ai prêté PST ont avoué manquer de vocabulaire pour aborder Miéville.

    Qui plus est China Miéville est très abordable par email et son approche politique de la fantasy me plait énormément (j'avoue que j'ai un temps pensé lui demander d'écrire la préface de Sovok).

    Bref, c'est un auteur désormais incontournable dans mon petit panthéon personnel.

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