La famille Borgia a ceci de commun avec celle des Médicis qu’il suffit d’évoquer ces noms pour avoir en tête des images fiévreuses de politicailleries, d’arrivisme et d’empoisonnement. Un coup de dague bien placé et la succession est lancée. Ce n’est pas pour rien que la période est machiavélique : c’est véritablement l’époque de Machiavel. Alors qu’une série télévisée prenne pour cadre ces heures mesquines d’entre toutes, c’est la promesse de vilénies et de trahison. Les Soparano à Rome. Comme un film de Martin Scorcese, mais avec Jeremy Irons à la place de Joe Pesci. Alléchant, hein ?
Et donc, les Borgia prennent le pouvoir. Le pape est mort, Rodrigo Borgia (marié à une ancienne courtisane) manœuvre donc pour s’asseoir sur le trône papal. Une fois en place, il nomme un de ses fils évêque, bombarde l’ainé à la tête de l’armée papale et donne sa fille en mariage pour assurer une alliance. Car Rome est menacée. L’Italie d’alors est un patchwork de villes indépendantes qui guerroient par habitude. Le roi de France (Charles VIII, incarné par l’humoriste Michel Muller, superbement casté pour l’occasion) veut sa part. Et les Borgia ne sont pas manchots quand il s’agit de se faire des ennemis, y compris au cœur même de l’Église. La situation dramatique est là : il ne suffit pas de prendre le pouvoir, encore faut-il le conserver.
Et c’est vrai que la série est belle. Des décors d’Europe de l’est magnifié avec des écrans verts de bon goût. Des costumes somptueux. Et le casting est à l’avenant : un jeune comédien québécois (François Arnaud) incarnant Cesare Borgia, l’immense Jeremy Irons en pater familias, l’éternel Colm Feore dans un rôle secondaire, une Lucrèce faussement angélique… Tout est là pour faire plaisir aux yeux. La reconstitution est belle. Le hic, c’est que le scénario n’est pas à la hauteur de l’emballage. Des manigances, il y a bien peu, et elles sont de bien petite envergure. Les complots sont simplistes. Ce qui devait être un écheveau politicard n’est qu’un amas d’intrigues rudimentaires. Ça ne décolle pas. Oh, c’est sulfureux, avec des scènes de sexe gratuites impliquant tour à tour tous les membres de la famille Borgia, mais elles soulignent encore plus le manque de profondeur du scénario. Spartacus avait au moins la franchise de vendre ouvertement du cul et du sang.
C’est exactement la même recette qu’avec The Tudors, autre série historique où les costumes sont plus riches que l’intrigue : le contexte est superbement peint, on s’y croirait, mais que l’aventure est insipide. Passée la surprise visuelle de la reconstitution des premiers épisodes, l’intérêt dégringole vite. Jeremy Irons et ses comparses font ce qu’ils peuvent avec les répliques qui leur sont données, mais on est loin de la richesse scénaristique d’un Boardwalk Empire (dans le genre mafieux historique). Ce n’est qu’un travail d’évocation qui reste malheureusement superficiel.
PS : Ah oui, les lecteurs de Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski trouveront un visage familier en la personne de l'assassin employé par Cesare Borgia : Leonardo Michelotto. Ce monsieur a des airs de ressemblance avec cette canaille de Benvenuto Gesufal puisque JPJ est un fin connaisseur de cette période troublée.
D'accord avec toi pour les Tudors, c'était d'une molesse soporifique.
RépondreSupprimerMême opinion sur les Tudors, dont je n'ai pas réussi à finir la 1e saison. Du coup je suis ton conseil et je passe pour ce coup-là. Je ne me ferai pas avoir par le coup de l'acteur tête d'affiche dont le casting a coûté à lui seul la moitié du budget de la série (Jeremy Irons / Sam Neill / Sean Bean).
RépondreSupprimerDans les Tudors encore l'histoire défilait assez vite mine de rien, il y avait des retournements de situations assez fréquents concernant les personnages secondaires, et on sentait quelques intrigues secondaires prendre forme.
RépondreSupprimerDans les Borgias il y a à peine une continuité de contexte entre épisodes, pour l'instant aucune intrigue qui ait une importance réelle pour le téléspectateur.
(Mais c'est toujours mieux que Camelot.)