Et donc après la boite de découverte et l'écran, le livre de base de 336 pages.
Première impression générale : c'est beau. Tout en couleurs, avec des illustrations issues du jeu de cartes, ça en impose. Pour être tout à fait honnête, certaines illustrations sont un peu trop high fantasy pour mon goût car je n'ai jamais été un grand fan des samouraïs du Dragon qui crachent le feu. Mais Rokugan, c'est un melting pot de nombreuses ambiances, et il en faut pour tous les goûts, j'en conviens.
Première surprise en lisant la nouvelle d'introduction : dans l'ancien temps, Bayushi Kachiko était amourachée de Doji Hoturi, le joli minois du clan de la Grue. C'était elle la plus belle de l'Empire, c'était lui le plus beau, chabadabada... Et dans mon souvenir, tous les joueurs étaient un peu jaloux de Hoturi parce que la Kachiko, c'était la manipulatrice Scorpion dans toute sa splendeur : sexy, mais dangereuse. Et dans cette nouvelle édition, Kachiko est bien là, mais Hoturi est devenu Hotaru, une femme samouraï. On passe d'une banale relation hétéro à une licencieuse aventure lesbienne. Sur le coup, je me suis félicité de cette attaque frontale contre l'hétéronormativité castratrice d'un patriarcat ludique ayant fait ses preuves. C'est peut-être un détail pour vous, mais en terme de représentativité, c'est pas mal d'ouvrir un bouquin qui parle de samouraïs intransigeants en montrant dès le départ que deux femmes peuvent y être amoureuses. Sauf que... on reste (AMHA) dans le cliché. Kachiko faisait saliver les jeunes adultes que nous étions. C'était, et ça reste, l'équivalent rokugani de la Veuve noire ou de Catwoman : un corps diaboliquement sexy et la promesse d'une relation pimentée d'une sacrée dose de vice. Mais en faisant une relation lesbienne, on continue de flatter le joueur dans le sens du poil : quoi de plus affriolant dans la psyché hétéro du premier rôliste venu que la promesse de deux femmes sexy qui font des trucs érotiques sur le tatami ? La vraie transgression, ça aurait été de transformer Kachiko en bonhomme au physique digne d'une publicité pour caleçon et de mettre de l'avant une bonne grosse histoire d'amour homosexuel entre gars. Là, oui, ça aurait été faire preuve d'un militantisme moins putassier. Mais bon, c'est déjà mieux que rien, j'imagine.
Sans surprise, le livre de base est assez chiche sur l'univers de jeu : on nous présente rapidement Rokugan, ses kamis et les 7 clans majeurs. L'idée, c'est qu'un supplément entièrement dédié à l'Empire arrive après cette publication, et il est indispensable car quelqu'un qui découvrirait L5R via ce livre de base serait bien en peine de comprendre comment faire vivre Rokugan. C'est pas nécessairement un défaut, j'avais très peur qu'ils tartinent un résumé sans fin de toute la storyline avec Machin qui trahit Bidule mais en fait c'est pour mieux protéger Truchmuche contre les Oni du Palais de Jade Corrompu. Là, on se retrouve avec les fondamentaux du décor, c'est facile à prendre en main car on reste en surface.
Niveau règles, c'est évidemment une version bien plus développée que ce qui était présenté dans la boite de découverte. C'est même très étoffé. Trop sans doute. On se retrouve quand même avec une trentaine d'écoles différentes. La bonne nouvelle, c'est que désormais, les techniques ne sont pas exclusives à une école : on se retrouve avec des techniques magiques, des techniques de combat, des techniques de prouesses physiques, des techniques de courtisan, des techniques de Maho, des techniques de shinobi, des techniques artistiques... Le bon point, c'est qu'elles sont toutes disponibles dans le livre de base, c'est généreux. Mais c'est assez étouffe-chrétien à la première lecture. J'apprécie l’exhaustivité, mais très franchement les magie noire des maho-tsukais, c'est typiquement le genre de truc qui aurait pu être enlevé du livre de base pour alléger la lecture. C'est essentiellement des techniques que je vais donner à mes PNJ,
Ceci étant, la création de personnages en 20 questions, comme autrefois, c'est la promesse d'un perso bien fouillé. dès le départ. Mais je me suis plusieurs fois retrouvé noyé par des détails inutiles. Il y a par exemple un système d'avantages et de désavantages pour pouvoir bien individualiser son alter ego. Des pages et des pages pour dire au final à chaque fois la même chose : si c'est un avantage, le PJ peut relancer deux dés n'ayant pas obtenu de réussite, si c'est un désavantage, le PJ doit relancer deux dés ayant obtenu une réussite et gagner un point de Vide. Au lieu de m'expliquer que, surprise, un personnage aveugle va avoir du mal avec tout ce qui est visuel ou qu'un personnage qui boite va avoir des problèmes de déplacement, il aurait été plus simple de gérer tout cela avec des traits libres. C'est là qu'on réalise que le travail de modernisation est bien fait (les jets de dés peuvent par exemple générer des opportunités qui permettent une certaine liberté narrative) mais qu'il reste place à l'amélioration. Parce que ça reste un jeu assez technique, mine de rien.
C'est clairement un livre de base très complet. Ça serait de la mauvaise foi de ma part que de dire que c'est un défaut, mais à la vérité, c'est un livre qui s'adresse aux vieux de la vieille. Je ne pense pas que le but soit de convertir de nouveaux joueurs mais bien de faire revenir les anciens joueurs au bercail. Et avec cette optique en tête, la volonté d'exhaustivité se comprend : on veut que le client puisse retrouver ce qu'il a aimé dans la V1 ou la V2. Un peu comme dans l'édition anniversaire des 20 ans de Vampire, on l'on compile tout et son contraire. Mais du coup, on se retrouve avec un truc que je trouve bancal avec cette nouvelle gamme: les scénarios officiels partent du principe que les PJ seront des magistrats itinérant. C'est super bien, on y incarne des sortes d'agent du FBI rokugani, ça explique pourquoi les PJ vont d'une affaire à l'autre, c'est narrativement très pratique. Sauf que la création de perso permet de générer toutes sortes de personnages qui n'ont pas de réel intérêt dans cette optique centrée sur l'enquête. C'est marrant de proposer d'incarner un marchand Crabe, mais il faut vraiment être con pour l'envoyer sur les routes enquêter sur des meurtres pas du tout liés au monde commercial. Pareil, incarner un garde-du-corps qui ne va finalement pas garder de corps du tout mais vadrouiller d'un clan à l'autre, c'est contre-productif.
Je comprendrais la présence des 30 écoles si la gamme proposait des scénarios vraiment différents (c'était le cas de la V1/V2 où on proposait autant du Hercule Poirot avec un katana que des trucs complètement foufou comme "Et la nuit résonnera de 10000 cris" où l'on chassait du gros démon comme dans un film d'horreur), mais pour le moment, ce que semble mettre de l'avant cette nouvelle édition, c'est une ambiance plus feutrée (qui me convient parfaitement). J'aurais aimé avoir un livre de base moins éclaté et plus resserré autour de sa proposition ludique et de son scénario-type. Ceci étant, FFG ne nous refait pas le coup de Star Wars en proposant une gamme pour jouer des magistrats, une autre pour incarner des soldats luttant contre l'Outremonde, une autre proposant de jouer des Tonnerres... Et du coup, le livre de base amalgame toutes les ambiances sans avoir l'air de proposer une direction claire. Car en plus de tout ça, il n'y a pas de scénario proposé à la fin du livre.
Le message est donc un peu contradictoire : tout est possible, voici même les règles pour faire de la magie noire, mais nos scénarios partent du principe que vous jouez de loyaux magistrats.
Il faut donc envisager ce livre de base comme une vaste boite à outils qui permet aussi bien de faire du Game of Thrones japonisant en se promenant dans toutes les strates du monde samouraï que du film d'action débridée avec boule de feu et oni cauchemardesque ou de l'enquête bien pépère pour savoir qui a tué la fille du daïmyo. Toutes les bonnes idées qui perçaient dans la boite de présentation sont là : c'est un système de jeu solide qui donne envie de replonger. Mais comme souvent avec les décors de jeu vaste (oui, 7e Mer, je pense à toi), l'abondance finit par devenir un défaut. Mais maintenant que toute l'aspect technique du jeu a été posé, j'ose espérer qu'on va pouvoir s'attaquer au monde et aux scénarios. Parce que oui, les techniques d'écoles ancestrales du retour du fils de la vengeance de Shinsei, c'est bien beau, mais ce n'est pas ça qui fait tourner une table de jeu sur le long terme.
Le premier supplément sera une descripion massive de l'Empire.
RépondreSupprimerIl y a aussi un supplément web gratuit sur le Clan de la Mante (règles, essentiellement), et du fluff à la fin de chaque roman (famille Kaito dans le premier, Shinobis dans le second).